Souvent, lorsque je me demande ce que j’aurais fait si je ne l’avais pas rencontré, je me dis que je n’aurais pas eu cette vie.

Cette vie décousue, pleine de rebondissements, à la fois haletante et complètement absurde. 

Je serai restée dans ma région probablement, j’aurais eu une vie « ordinaire », peut-être moins de changements, d’imprévus, mais sûrement moins d’amour aussi. Je ne le regrette pas, ce n’est pas la question. Partir avec lui ou le quitter, j’ai fait mon choix il y a des années. 

Je vois dans les yeux et les paroles des gens de la fierté, de l’envie ou encore de la pitié et de l’inquiétude.

Et oui, pourquoi supporter cela ? Pourquoi avoir choisi ce mari, avec ce métier et donc cette vie ? 

« Pour l’amour de la France ! Parce que ce qu’ils font, c’est beau, c’est pour le pays ! »

Ah, vous trouvez ça beau… Oui, c’est normal, vous ne vivez pas avec ce poids. Cette épée de Damoclès qui vit avec nous, chaque jour, parfois plus présente que jamais, parfois plus discrète. Vivre dans la peur n’est pas une vie, alors on décide de fermer les yeux et de ne pas focaliser, de ne prendre que le bon côté, celui qui est « beau », qui fait envie, qui force l’admiration des autres. Evidemment, ça aide, mais ça ne fait pas tout. 

Vous n’avez pas à vous poser de questions tous les matins quand vous quittez votre conjoint, où plutôt quand il part à l’aube. Il part avec la nuit, peu importe la saison. Il veut être le premier au travail, non pas pour faire le beau, mais parce qu’il aime ça et qu’il veut être consciencieux, ne rien oublier, ne pas prendre de risque inutile, tout recalculer, avoir le temps, prendre son temps, être sûr de lui, de sa mission, de ce qu’il va faire. Il rentre avec la nuit ou les dernières heures de la journée, il est épuisé, et il faut enchainer avec la vie de famille car c’est aussi ça sa vie, son autre vie. 

 

Vous n’avez pas ce saut dans votre poitrine lorsque vous entendez ces explosions dans le ciel ? Est ce que c’était normal, est ce que c’était lui ? Quelle heure est-il ? Volait-il aujourd’hui ? qu’est ce qu’il m’a dit hier soir, je ne me rappelle plus… J’ai voulu l’aider à mettre une barrière entre là-bas et chez nous, ne pas trop parler du boulot à la maison, avoir une vraie coupure. Résultat, une fois sur deux, quand il me dit qu’il est posé, je ne savais même plus qu’il avait décollé. 

Envoyer un message, ne pas avoir s’il le lira, s’il aura le temps, l’opportunité. 

Attendre. 

Penser à autre chose.

Oublier parfois et continuer de vivre.

Recevoir une réponse, « tout va bien, je suis posé », et respirer, inspirer, souffler. Reprendre le cours des choses.

« Mais c’est beau ce qu’il fait ! »

Beau, pour qui ?

La beauté d’un être est subjective, celle d’un métier aussi.

C’est beau de vouloir sauver la France. C’est beau d’enfiler sa carapace tous les jours. C’est beau. Mais ce n’est pas la réalité.  Si vous saviez l’envers du décor, vous changeriez de champs lexical, ce n’est plus la beauté qui serait sur le devant de la scène. 

Qui préfère son métier plutôt que sa famille ? Pas ces gars là, en tous cas pas la majorité. Ils ont choisi de voler pour assouvir un rêve plutôt qu’une conviction, un patriotisme. Ils ont choisi ça quand ils avaient 15, 18, 20 ans tout au plus. Ils n’avaient alors pas de femme, pas d’enfant. Quand on est libre, on croit en tout, et surtout en ce que les autres veulent bien nous raconter. Alors, on s’engage, et on n’imagine pas encore le futur… On se sent grand, on a le pouvoir de décider. Tant mieux, il faut faire quelque chose que l’on aime. Mais la vie à 20 ans, ce n’est pas celle que l’on occupe 15 ans après.

Celle remplie de « oui, je le veux » ou « papa il rentre quand ? », et pourtant, quelques années après, ces phrases là arrivent, et on trouve ça beaucoup plus beau. La vraie beauté de la vie. Alors, on lui répond quoi au petit qui demande quand son papa va rentrer ? On maintient l’illusion, on l’écoute attentivement et avec un sourire quand il dit « Whaou, regarde, c’est papa dans le ciel ! ». Il n’a que 5 ans, il trouve encore ça beau, et c’est tant mieux. Etre le héros de son fils, encore quelques années, c’est son cadeau. 

« Tu le savais, te plains pas maintenant »

Je ne me plains pas, je me dis juste que parfois, c’est bête de passer à côté de certains moments, juste parce que « le devoir » l’appelle. Devoir se justifier parce qu’on ne veut pas sortir car on préfère rester en famille, devoir expliquer 1000 fois aux enfants que papa est parti, mais qu’il pense fort à eux, et qu’il reviendra très vite.

Qu’est ce que j’en sais moi qu’il reviendra très vite ? C’est ce qu’il a dit en partant, c’est ce que le calendrier nous dit aussi ou plutôt « les ordres », mais regarde, l’autre jour, ils ne sont pas rentrés chez eux. Ils étaient partis le matin, confiants, et puis plus rien. Plus de signal, plus d’avion, plus rien. Qui va prévenir leur femme, leurs enfants, leurs familles ? Qui ira encore leur dire que « c’est beau ? » 

Personne.

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